Bibliographie - Extrait

Ô Orchidées !, Flammarion 2018

Ô Orchidées Pascale de Trazegnies

Ô Orchidées ! - extraits

Chapitre 1, Les Émerveillés,
PIERRE LOTI

« C’était le même sol exquis, où partout effleurait la pierre grise et où ne croissaient que des plantes délicates des lieux secs, les tapis de lichen, les graminées d’une impalpable finesse qui font comme une petite vapeur épandue sur la terre, et les orchidées dont les fleurs ont l’air de mouches en velours grimpant le long d’un brin de roseau. »

Il s’agit bien évidemment des Ophrys mouche (anciennement Ophrys myodes, aujourd’hui Ophrys insectifera), et pour qui a jamais aperçu dans les sous-bois cette délicieuse merveille, quelle expression plus jolie que « ces petites mouches en velours grimpant le long d’un roseau « ? Elles sont éparpillées sur leur tige, c’est vrai, elles semblent grimper, c’est vrai, elles paraissent vivantes, c’est vrai, et chaque fois que j’en vois, dans leur petitesse, dans leur modestie, mais aussi leur défi, je suis prise d’une émotion intense, une fébrilité, comme si j’assistais à un mystère.

     La chasse à l’orchidée est une affolante aventure. On ne s’ennuie jamais. Dès que le printemps pointe, un sixième sens se réveille, se met en alerte. L’esprit se branche sur la notion d’orchidée. Et le moindre déplacement, le moindre voyage réserve des surprises.Il peut même arriver à l’amateur d’orchidées de découvrir des spécimens rares dans les endroits les plus incongrus comme les anciennes carrières ou les périphéries des villes, même parfois entre les pavés des cités, comme Théodore Monod ou André Dhôtel autrefois à Paris. Nous le verrons plus tard.
ô Orchidées !, Pascale de Trazegnies

Chapitre 5, Éros,
HENRI RACZYMOW

     L’orchidée est-elle vraiment sexuelle ? N’est-elle donc que sexuelle ? L’écrivain Henri Raczymow la voit telle. Il pense que sa femme la voit de la même façon.

« En sortant, j’ai acheté une orchidée à Nina. Un sexe féminin exhibé dans les tons bruns. Je lui offrais un sexe en somme, un sexe en miroir. Mais cette couleur mauve et terre de Sienne, je le crains, l’a offensée un peu par son réalisme (…) De toute façon, c’était trop tard, réalisme ou pas. Trop tard pour les fleurs, et les orchidées en particulier. Trop tard pour tout (…) »

     « Le plus tard possible », dont est extrait ce passage, est le récit affirmé de l’auteur de son mariage en perdition.

« Mon mariage à moi (…) a connu le même sort que le Titanic. »

     Mais d’où « sort » le narrateur dans cette scène ? On découvre qu’il vient de faire sa première visite à un psychanalyste… Et quelles obsessions l’habitent ? On découvre qu’avant d’aller voir son psychanalyste, il a fait un rêve érotique. Il emmène une jeune femme au petit studio où il travaille, mais il s’aperçoit qu’il a la première clé, celle du porche, mais pas la deuxième, celle de la porte d’entrée du studio. Quel message envoie-t-il à sa femme avec cette orchidée ? Quel message s’envoie-t-il à lui-même ?
ô Orchidées !, Pascale de Trazegnies