Inédits - Erotisme

Désacralisation Eros

« Pour moi, il s’y mêle (à l’amour) je ne sais quoi d’étrange et de mortel, une
préoccupation de l’au-delà, une angoisse, une inquiétude de voir tout finir ».

Pierre Loti, Journal.

Un soir, lors d’une émission de radio tardive, j’ai surpris un phénomène étrange. Alors qu’un jeune auditeur appelait pour demander un conseil sexuel au « doc » (c’était le principe de l’émission), soudain son débit de paroles s’est ralenti jusqu’à s’éteindre, et l’on a entendu une femme gémir. Ils étaient en train de s’accoupler en direct. Un silence magistral est tombé sur ce studio d’enregistrement, les animateurs comme tétanisés, non seulement par la surprise, mais (pour moi) par le sens du sacré qui s’abattait sur eux.


Un acte sexuel est toujours grave, même s’il n’en a pas l’air, même s’il est joyeux. Dans le frottement érotique entre deux êtres, se passe quelque chose qui va au-delà de l’entendement, qui nous échappe, au moment duquel l’être fait appel à des pulsions inédites, non contrôlées, issues d’un domaine qui va bien au-delà de la conscience. Comme on dit vulgairement : ça ne triche pas. Et c’est en cela que c’est bouleversant. L’être humain est face à lui-même, plus nu que nu, face à un moi enfoui qui le révèle non seulement à lui, mais à la personne adverse.


Abandonnant les catégories terrestres, l’esprit est sub-jugué, proprement dominé, non par l’autre, mais par l’événement qui est en train de se créer en échappant au monde contingent. L’extase (littéralement « hors de soi ») est l’essence même et le but de la geste érotique.

Bernin

Sans cette reconnaissance du sacré, nous allons à notre perte, dans une déréliction implacable niant à l’homme sa complexité et sa spécificité, son rapport unique au cosmos.


Le désir est le seul dieu de notre errance.