Inédits - Poésie

Erotisme et Poésie - Pascale de Trazegnies

Il ne vivait pas pour ses poèmes, il vivait par ses poèmes.

Varlam Chalanov, « Article 58 »

Si la poésie pouvait se résumer en une image, ce ne serait ni une fleur, ni un oiseau, ni un nuage.

Ce ne serait pas non plus un tas d’or.

Ni une méduse, une algue, une marée, une murène, un poisson ventouse.

Ce ne serait certainement pas un concept comme l’amour (…) ou la liberté… Si la poésie pouvait se résumer en une image, ce serait la mort.

Plane sur la poésie un parfum d’interdit. La poésie doit et se doit de frôler les limites vers les abîmes. La poésie, même joyeuse, porte son linceul. La poésie se croit plus forte que tout. Elle défie les règles , elle défie la raison, elle défie le temps.

La poésie est l’addiction par excellence.

La poésie est ce qui reste dans la nuit des temps, une chanson, une ode, une ballade, une maxime, une bulle qui entre à votre insu dans votre cerveau et en ressort inopinément, sans crier gare. Ce sont tous ces mots de l’Odyssée, et de l’Iliade, et des pièces de Shakespeare, et des divagations de Kerouac, ce sont les envolées des Enfants du paradis, c’est la chansonnette des mamans dans le cou des bébés, c’est ce que psalmodiaient les moribonds dans les camps des nazis.

Car la poésie est gratuite.

Elle défie la mort… La défie seulement… Elle porte en elle toute l’humanité morte et à venir, peu importe.

Elle nous porte.

Elle est nous-mêmes.

*Texte choisi par Michel Host (Goncourt 86) pour sa chronique «Le Scalp en feu 4» cfr revue «Recours au poème».