Inédits - Transversalité

TRANSVERSALITE

PASSER AU TRAVERS DU NOYAU

Quand je lis un texte en public, puis que je le suspends pour entendre la note du musicien, je donne aux mots une portée non linéaire, qui se brise… ou qui s’élève… et j’oblige l’auditeur à faire appel à une autre micropartie de son cerveau, celle qui est sensible à la musique.

Si cela est mal fait, l’auditeur perd le fil et éprouve un désagrément. Au contraire, quand c’est juste, l’événement perce son cerveau « en travers ».

Pareil pour les images.

Il ne suffit pas de juxtaposer son et image sur un texte pour créer de la transversalité.

Dans la transversalité, l’information passe par le centre, le noyau (le Noyau de toute chose *), tout en allant atteindre des zones de l’affect et/ou de l’esprit insoupçonnées.

C’est traverser la perception dans sa plus grande dimension, en largeur et en longueur.

C’est essaimer et c’est provoquer.

* cfr roman d’Hubert Lucot, paru aux editions POL

Transversalité - Passer au travers du noyau

Un texte seul est transversal s’il tranche à travers les catégories. On peut imaginer une flèche à travers un gâteau. Cette flèche parcourt toutes les strates de la pâtisserie, et ressort différente, enrobée d’une pellicule unique

Ainsi, l’objet littéraire qui me plaît fait appel au récit, au dialogue, à la poésie, au descriptif, à la réflexion philosophique. Toute digression est bonne à partir du seul et unique moment où l’œuvre-flèche ne se charge pas en cours de route de pellicules lourdes et collantes.

Un seul trajet.

Telle est l’œuvre d’art.

Toujours transversale.

«S’écartant d’un trajet « touristique » dans Bruxelles et ses environs, l’histoire prend racine en un trajet extérieur, mais qui dépend d’abord d’un chemin intérieur (…) Et par un rapport interne qu’il entretient, il joue sur un secret qu’il traverse et transperce.»


« Le Mort », Jean-Paul Gavard-Perret, Le Littéraire

« LE MORT S’ÉCOUTE »

Pourquoi ma lecture du Mort est une lecture
transversale

D’abord elle traverse le récit de bout en bout.

C’est un condensé de scènes choisies, dans un mouvement linéaire vers une chute, comme un roman à part entière.

Mais quelque part, c’est un autre roman (un mini-roman), parce qu’il met en relief une autre progression du récit.

Le Mort en lecture transversale acquiert sa propre force et crée une autre émotion.

Le public a parfois même l’impression de découvrir des passages qu’il n’a pas lus !

Ensuite,elle traverse l’espace sonore à ma disposition.

C’est un ensemble de sons très purs, dans un certain dépouillement, puisqu’en dehors d’une mince bande sonore qui apparaît de façon fragmentaire, ponctuelle (comme des coups de gong ! ou alors des rêveries !), ma voix sans artifices techniques dialogue, chante, se module en osmose avec le musicien.

Une magie s’empare de la transversalité.

On ne sait plus d’où la source sonore va surgir pour vous envoûter, et pourtant il n’y a rien sur la scène qu’un petit ordinateur, une femme et un musicien.

Transversalité - Le Mort s'écoute - Pascale de Trazegnies