INEDITS - EROTISME

Erotisme et histoire

Certaines époques sont plus propices à la représentation des choses sexuelles.

Aujourd’hui, dans ce contexte de crise où se profilent la peur et le repli sur soi, on va droit vers une période de pudibonderie, de répression et de puritanisme.

Erotisme luxurieux
Les luxurieux
Dante trouve les luxurieux qui marchent sans cesse dans les flammes
(Dante, la Divine Comédie, le Purgatoire / dessin de S.Giacomelli)

Quand j’ai écrit l’Etat de veille, on était en plein milieu des années quatre-vingt, bénéficiant des fruits de la libération sexuelle de la fin des années soixante, et sentant se profiler la menace confuse du sida.

J’étais (je crois) un des premiers auteurs féminins, en France, à exprimer la sexualité d’une manière aussi directe dans un roman littéraire.

L’éditeur Bernard Fixot a tout de suite ressenti à quel point ma manière de décrire les scènes érotiques était nouvelle, mais aussi particulière, parce qu’elle ne s’inscrivait pas dans la lignée d’un certain féminisme américain. Dans ma démarche, il n’y avait aucune revendication du genre « nous aussi, femmes, nous jouissons, nous allons vous décrire ce que nous ressentons », ainsi que l’a fait cette grande prêtresse de la révolution sexuelle – par ailleurs sympathique -, Erica Jong, dont je regrette la platitude de certaines descriptions.

Voilà le mot à proscrire : platitude. Et son corollaire : préciosité.

Car l’un ne va pas sans son contraire dans une négation de la jouissance, en fait une appréhension, une distance comme un effroi qui fait que l’écrivain prend des détours pour raconter un acte qui justement n’en prend pas (préciosité), ou alors un manque d’implication émotionnelle, une assimilation au quotidien, à l’hygiène, à l’agencement du temps, pour banaliser un acte qui justement, si on l’apprécie, est tout sauf banal (platitude).

Erotisme et Histoire - article presse - Pascale de Trazegnies

Effectivement, depuis la fin des années quatre-vingt, avec les confessions salaces en tous genres (notamment celles des homosexuels qui ont fait sauter les derniers tabous), et l’apparition du porno industriel à la télé, l’acte sexuel a perdu une part de son mystère, son aura, et on se demande s’il ne finira pas par générer moins de trouble qu’une intense relation platonique.